There is no more shadow. A single teardrop in which a world trembles.
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A moment when the mind is draped in stupor. I am back looking for traces, at the top edge of the rock. A moment too acute for words to come out unscathed.
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Winter cleans up. Its rudeness better reveals the constant features of the landscape. An eternal vertigo legible in the slumber of the vineyard.
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Those who do not forget the incessant mutilation inflected on this earth more willingly pay tribute to the scathing nudity of the sky. Up there the sun turns its ring on his finger and waits to bury the dead, their coins liquefied in their throats. The blue grass whispers another state of being. The path is not closed.
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The sky creates its own uneasy feelings, but we are the ones in whom it injects them.
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Here it is space that matters. The roads are bare, livelier than nests.
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A landscape for effacing wrinkles.
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The mystery of foliage in the wind: like a riot that we breathe with our blood.
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The words that strike you have already traveled and will continue to travel over a long dusty trail. What could they better leave you with than thirst?
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You await an answer. You obtain only an icy reprieve, yet, by hugging it tightly, it nonetheless sometimes turns into a spring-like little puddle. Look: the shadow of the cloud or the bird has come to inscribe itself in it for an instant. This fleeting mark is a fine answer. The suspicion that the scale of values is rotten.
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The yes is the pit of the fruit. The pulp is the messenger of the yes, like a word whispered when everything seems at its lowest ebb.
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They shouldn’t pass beneath this light with such thin lips.
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Light has its storms, but the sky no wounds.
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The slumber of the vineyard is a mere leap into the space where bunches of golden grapes already hang from the vines.
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This abyss is likeable when you can find lodgings in it.
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What voice is always available, even at the end of the rope?
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On the ridge, among the blades of wild grass.
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In order to find traces of God, you first must deny them.
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Only in the finite does the hand become infinite.
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Watch the fire. Its barren peak. Forget its fascinating apparitions. Experience this barren fire, which relishes your poverty.
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The air so mild, and smelling of trampled wild mint. A temple of such small dimensions that there is no front door. Whoever is inside contemplates in silence, nurturing himself on his own light. Whoever is outside wants to drag him out of there, show him around. And his name? An exotic name that no one remembers. But what’s the use of a name? Since he is inside. And without him, without this unfindable door, who would come by? There would be only ashes.
Fragments
Il n'y a plus d'ombre. Une seule larme où tremble un monde.
Le moment où l'esprit s'habille de stupeur. Moi, rendu aux traces, à l'arête de la pierre. Moment trop aiguisé pour que la parole en sorte indemne.
L'hiver nettoie, sa rudesse laisse mieux apparaître les constantes du paysage. Ce vertige éternel lisible dans le sommeil de la vigne.
Ceux qui n'oublient pas les incessantes mutilations infligées à cette terre rendent plus volontiers hommage à la cinglante nudité du ciel. Là-haut le soleil tourne sa bague et attend d'inhumer les morts, leur monnaie liquéfiée dans la gorge. L'herbe bleue murmure une autre condition. Le chemin n'est pas fermé.
Le ciel crée son propre malaise mais c'est à nous qu'il l'injecte.
Ici c'est d'espace qu'il s'agit. Les routes sont à nu. Plus vivantes que des nids.
Un paysage pour effacer les rides.
Le mystère du feuillage dans le vent : comme une émeute que nous respirons avec notre sang.
La parole qui te frappe a déjà parcouru et va parcourir encore un long chemin de poussière. Que pourrait-elle mieux t'abandonner que la soif?
On attend une réponse. On n'obtient qu'un sursis glacé, mais, de le serrer dans ses bras, il arrive pourtant qu'il se transforme en une petite flaque printanière. Vois : l'ombre du nuage ou de l'oiseau vient s'y inscrire un instant. Belle réponse que cette tache brève. Le soupçon que l'échelle des valeurs est pourrie.
Le oui est le noyau. La chair du fruit est messagère du oui — comme un mot murmuré au creux de la vague.
Ils ne devraient pas passer sous cette lumière avec des lèvres si minces.
La lumière a ses orages, le ciel n'a pas de plaies.
Le sommeil de la vigne n'est qu'un bond dans l'espace où pendent déjà des grappes d'or.
Ce gouffre est aimable quand on peut s'y loger.
Qu'elle voix toujours disponible, même au bout de la corde?
Sur la crête, parmi les herbes.
Pour retrouver la trace de Dieu, il faut, déjà, nier les traces.
Ce n'est que dans le fini que la main s'infinise.
Voir le feu. Son sommet désertique. Oublier ses fascinantes apparitions. Vivre ce feu désertique, si gourmand de ta pauvreté.
Tant de douceur et l'odeur de la menthe sauvage foulée. Un temple aux dimensions si réduites qu'il n'y a pas de porte pour entrer. Qui est dedans contemple en silence, se nourrit de sa propre lumière. Qui est dehors veut l'arracher de là, le présenter. Mais le nom? La sauvagerie du nom que personne ne retient. Et à quoi bon le nom? Puisqu'il est dedans. Et sans lui, sans cette porte introuvable, qui passerait? Il n'y aurait que cendre.
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